Le repas des fêtes, entre tourtière et aspic de légumes - Musée McCord
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Robin Hood Flour Mills Limited, extrait du livret de recettes Réception des Fêtes par Robin Hood, vers 1960. Don de Catherine Charlebois, Collection Recettes et alimentation C265, M2008.126.1 © Musée McCord

Le repas des fêtes, entre tourtière et aspic de légumes

Des livrets de recettes hauts en couleur révèlent l’originalité de la table des fêtes d’autrefois.

Alexis Curodeau-Codère, journaliste indépendant

1 décembre 2020

Dans cette série de 12 articles publiés dans le cadre du projet Sensibilités partagées, nous partons à la recherche des émotions, des sensations et des valeurs enfouies dans les documents d’archives, tout en nous interrogeant sur la manière dont le contexte culturel et historique les façonne. Dans cette édition toute spéciale concoctée pour la période des fêtes, notre stagiaire Alexis Curodeau-Codère s’est plongé dans nos archives à la recherche de recettes de Noël conçues non seulement pour combler nos papilles, mais aussi pour aiguiser tous nos sens!

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Les repas occupent une place centrale dans les souvenirs que nous gardons tous des Noëls de notre enfance. Je me souviens de l’odeur des chandelles et de l’arôme des tourtières et des pâtés en train de cuire au four. Le bruit de la grande pipette que ma tante utilisait pour arroser la dinde juteuse, la texture de la farce et l’onctuosité des patates pilées ou encore les heures que ma mère prenait pour façonner et dorer une montagne de boulettes pour le ragoût.

 



Quelques recettes à mettre à votre menu des fêtes!


 

Me reviennent de très loin la blancheur de la nappe et le moelleux des trois coussins sur lesquels il me fallait me jucher, enfant, pour atteindre mon assiette. Ravivés chaque année avec le retour des mêmes plats et des mêmes effluves, ces souvenirs se superposent comme les couches d’une pâte feuilletée, nous rendant alors plus riches, habités que nous sommes de tant d’années.

Mais la tradition culinaire s’est quand même renouvelée à travers le temps. Tout comme notre personnalité, la mode et les contextes socioéconomiques, les repas des fêtes se transforment subtilement d’année en année. Des plats sont modifiés, certains apparaissent au menu alors que d’autres disparaissent.

Le rapport aux aliments évolue, les modes gastronomiques et esthétiques passent, les familles changent, de même que les usages. Il y a toujours, il me semble, une tension entre la tradition et le présent toujours en mutation : le souvenir mélancolique du passé et le désir d’essayer quelque chose de différent, de revisiter le repas des fêtes. Durant les années 2000, par exemple, la bûche était parfois remplacée par un dessert en verrine, et de nos jours la tourtière à la viande fait de plus en plus place à la tourtière de millet.

Robin Hood Flour Mills Limited, extrait du livret de recettes Réception des Fêtes par Robin Hood, vers 1960. Don de Catherine Charlebois, Collection Recettes et alimentation C265, M2008.126.1 © Musée McCord

À quoi ressemblaient donc les Noëls de celles et ceux qui ont grandi dans les années cinquante et soixante?

Grâce à ces livrets de recettes conservés dans la collection du Musée McCord, nous avons un aperçu intéressant, surprenant et parfois même comique du repas de Noël à une autre époque.

Voilà une table des fêtes éclectique, où se côtoient tourtières miniatures, bouchées de homard et sapins de papier. On remarque un certain compromis entre la tradition culinaire des fêtes et un désir de modernité, comme en atteste ce passage du livret : La dinde est absente du menu et vous en serez sans doute félicitée.

Robin Hood Flour Mills Limited, extrait du livret de recettes Réception des Fêtes par Robin Hood, vers 1960. Don de Catherine Charlebois, Collection Recettes et alimentation C265, M2008.126.1 © Musée McCord

Sur cette table, on retrouve la traditionnelle tourtière servie avec une confiture de canneberge, un incontournable québécois des festivités. Mais cette recette classique est ici accompagnée d’un impressionnant aspic de légumes, un plat très populaire en Amérique du Nord qui a connu son heure de gloire dans les années cinquante, encore présent sur les tables au début des années quatre-vingts. La texture feuilletée et granuleuse de la tourtière se marie donc à celle, fondante et légère, de la gelée de légumes. L’arrangement frappe aussi par le choix des couleurs. En effet, le vert de l’aspic, des feuilles de houx et des chandelles s’agence avec le rouge des canneberges et de diverses décorations. La présentation de la table prend donc ici une place aussi importante que le goût des plats, alliant le plaisir visuel au plaisir gustatif.

Extrait du livret de recettes Chatelaine Seasonal Soirées, vers 1980. Don de Shawn Rosengarten, Collection Recettes et alimentation C265, M2009.71.15 © Musée McCord

Des fruits en plastique, des anges de papier et des pyramides de fruits. Ces livrets, étonnamment, ne se contentent pas de fournir des recettes à thématique festive, mais proposent également toute une panoplie de décorations de table. L’esthétique des plats semble parfois l’emporter sur leur goût, suggérant des expériences multisensorielles. On y trouve aussi des trucs et des astuces pour une fête réussie. On peut imaginer que la confection de plateaux de fruits dorés ou d’arbres fleuris de jujubes prendra autant de place dans la préparation du repas que celle de la nourriture elle-même.

Robin Hood Flour Mills Limited, extrait du livret de recettes Réception des Fêtes par Robin Hood, vers 1960. Don de Catherine Charlebois, Collection Recettes et alimentation C265, M2008.126.1 © Musée McCord

Ce que ces livrets de recettes nous rappellent, c’est que les fêtes sont sans doute l’occasion idéale de célébrer nos traditions et de cultiver nos souvenirs, mais qu’elles sont surtout prétexte au partage d’une expérience culinaire réconfortante, peu importe la forme, la texture, l’odeur ou le goût que l’on choisit de lui donner.

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À propos de l'auteur

Alexis Curodeau-Codère, journaliste indépendant

Alexis Curodeau-Codère, journaliste indépendant

Après avoir étudié en arts visuels et en philosophie, Alexis Curodeau-Codère s’emploie, partout où il peut, à étudier, explorer et illustrer, à coup de portraits et d’images, la réalité humaine et la joliesse du monde. Il s’intéresse particulièrement au potentiel transformatif du récit par son rôle social et politique, mais aussi comme outil de vulgarisation et d’apprentissage.
Après avoir étudié en arts visuels et en philosophie, Alexis Curodeau-Codère s’emploie, partout où il peut, à étudier, explorer et illustrer, à coup de portraits et d’images, la réalité humaine et la joliesse du monde. Il s’intéresse particulièrement au potentiel transformatif du récit par son rôle social et politique, mais aussi comme outil de vulgarisation et d’apprentissage.