La colorimétrie et la conservation préventive - Musée McCord Stewart
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Denis Plourde, utilisant le logiciel Munsell Conversion pour passer du système CIELAB au système de Munsell. Roger Aziz © Musée McCord Stewart, 2022

La colorimétrie et la conservation préventive

Découvrez pourquoi le Musée procède à des analyses colorimétriques sur une vingtaine de tirages photographiques en exposition.

Denis Plourde, adjoint, Restauration, Musée McCord Stewart

Gabriela Rosas, auparavant restauratrice junior, Musée McCord Stewart

28 février 2023

Alexander Henderson (1831-1913) est considéré comme l’un des photographes de paysages les plus importants au Canada. L’exposition Alexander Henderson – Art et nature, à l’affiche au Musée jusqu’au 16 avril 2023, présente plusieurs tirages photographiques sur papier salé.

Un tirage sur papier salé consiste en une photographie positive créée à partir d’un négatif. Le support est une feuille de papier qui a été enduite de nitrate et de chlorure d’argent pour la rendre photosensible. Le négatif est ensuite mis directement en contact avec le papier et l’ensemble est exposé au soleil afin que l’image s’imprime par la simple action de la lumière. L’image commence alors à apparaître au bout d’un certain temps. Le tirage se caractérise par des tons chauds et un fini mat.

Les couleurs sont les actes et les souffrances de la lumière.
Traité des couleurs, Goethe

Les tirages sur papier salé sont toutefois susceptibles de se décolorer sous l’effet de la lumière. Lorsque celle-ci traverse des matières de différentes densités, elle peut se fragmenter ou se briser par réflexion. Les dommages causés par la lumière sont irréversibles et cumulatifs, et les photographies touchées ne retrouvent donc jamais leurs couleurs d’origine.

L’exposition à la lumière se calcule en nombre d’heures et de lux (intensité lumineuse). Dans le cas des tirages d’Alexander Henderson, comme l’exposition du Musée sera présentée en salle pendant 10 mois, cela équivaut à 2 440 heures d’exposition à la lumière avec une intensité de 50 lux. Il est donc important de consigner la durée cumulative d’exposition à la lumière visible et au rayonnement UV des tirages de Henderson.

Dans le but d’assurer une meilleure conservation lors de la présentation de ces œuvres, l’équipe de la restauration du Musée a décidé d’effectuer des analyses colorimétriques afin de mesurer tout changement de couleur possible sur une vingtaine de tirages photographiques. Ceux-ci ont été choisis en raison de leur rareté en plus d’offrir un échantillonnage représentatif de l’œuvre de Henderson.

LA COLORIMÉTRIE

La colorimétrie est une analyse scientifique qui relie les mesures physiques de la lumière à la perception des couleurs. La précision des appareils de colorimétrie nous permet d’évaluer s’il y a eu des changements entre deux lectures colorimétriques d’une œuvre. Ceux-ci pouvant être très subtils, notre œil n’est pas toujours en mesure de les percevoir ou d’en constater les écarts. Si on note des changements dans les données de lecture du colorimètre, cela nous indique que la lumière a modifié les valeurs colorimétriques de l’objet.

QUE PEUT-ON LIRE DANS LA COULEUR?

Le colorimètre utilise un code de couleur à l’intérieur d’un système de couleur, habituellement le CIELAB. Dans ce système, la couleur est lue en fonction de sa luminosité et de l’écart entre le vert et le rouge et aussi entre le jaune et le bleu. Il en existe d’autres, et au Musée, nous utilisons le système de Munsell qui code la couleur selon sa teinte, sa valeur (du noir au blanc) et sa saturation (pureté).

Denis Plourde, utilisant le logiciel Munsell Conversion pour passer du système CIELAB au système de Munsell. Roger Aziz © Musée McCord Stewart, 2022

Les analyses de colorimétrie font partie de nos outils pour réduire les dommages causés par la lumière. Ainsi, nous avons mis en place un processus comprenant plusieurs phases, incluant des prises de mesures avant, pendant et après l’exposition des œuvres. L’interprétation et l’étude des informations recueillies sur les objets nous permettent de voir si des changements visibles se produisent, et si tel est le cas, nous pouvons les quantifier très précisément et il reste une trace codée de l’état initial de l’objet.

Chaque fois qu’une œuvre en papier, en tissu ou en tout autre matériau sensible est exposée, il y aura une détérioration : c’est inévitable! Mais grâce à la pratique de la conservation préventive, qui utilise des stratégies pour limiter les risques et les sources de dommage, le Musée est prêt à prendre une part du risque, mesuré bien sûr, afin de partager les collections avec le public.

À propos de l'auteur et l'autrice

Denis Plourde, adjoint, Restauration, Musée McCord Stewart

Denis Plourde, adjoint, Restauration, Musée McCord Stewart

Denis travaille au service de Restauration du Musée McCord Stewart depuis 30 ans. Au fil des années, il a perfectionné différentes techniques de travail, telles que la fabrication de supports de livres, l'encaissage à double caisson et l'application de la photographie numérique à des travaux de restauration.
Denis travaille au service de Restauration du Musée McCord Stewart depuis 30 ans. Au fil des années, il a perfectionné différentes techniques de travail, telles que la fabrication de supports de livres, l'encaissage à double caisson et l'application de la photographie numérique à des travaux de restauration.
Gabriela Rosas, auparavant restauratrice junior, Musée McCord Stewart

Gabriela Rosas, auparavant restauratrice junior, Musée McCord Stewart

Gabriela est archiviste, audiovisuel et photographie au Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa depuis l’été 2023. Après avoir accumulé 11 ans d’expérience en conservation préventive auprès de plusieurs musées montréalais, elle termine en 2021 une maîtrise en restauration d’œuvres d’art sur papier à l’Université Queen’s, à Kingston. Depuis, elle a travaillé pour le Musée McCord Stewart, le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée Pointe-à-Callière ainsi que pour des galeries et des collections privées.
Gabriela est archiviste, audiovisuel et photographie au Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa depuis l’été 2023. Après avoir accumulé 11 ans d’expérience en conservation préventive auprès de plusieurs musées montréalais, elle termine en 2021 une maîtrise en restauration d’œuvres d’art sur papier à l’Université Queen’s, à Kingston. Depuis, elle a travaillé pour le Musée McCord Stewart, le Musée des beaux-arts de Montréal, le Musée Pointe-à-Callière ainsi que pour des galeries et des collections privées.