Quand la photographie de rue rencontre l’engagement social
Six camelots de L’Itinéraire ont exploré la photographie de rue avec Bertrand Carrière, offrant un regard unique sur Montréal.
7 octobre 2025
En étroite collaboration avec L’Itinéraire, un organisme montréalais qui accompagne des personnes en situation de vulnérabilité sociale et économique, à risque d’itinérance ou aux prises avec des problèmes de dépendance ou de santé mentale, le Musée a mené un projet où, sur une période de dix jours, six camelots de L’Itinéraire, le magazine de l’organisme, ont participé à une série d’ateliers sur la photographie de rue animés par l’artiste-médiateur Bertrand Carrière. Pour plusieurs, il s’agissait d’une première véritable occasion d’expérimenter la photographie. Les images réalisées reflètent leurs visions uniques des rues de Montréal.
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Avec l’exposition Battre le pavé. La photo de rue à Montréal, le Musée explore l’histoire de la photographie de rue à Montréal. Cette initiative met en lumière l’art de capturer la vie urbaine, mais aussi l’engagement de l’institution envers l’inclusion sociale.
Quand des regards inconnus révèlent l'histoire
Battre le pavé. La photo de rue à Montréal valorise des voix méconnues qui révèlent une vision complémentaire de l’histoire de Montréal telle qu’on nous l’a racontée. C’est à Zoë Tousignant, conservatrice de la collection Photographie du Musée, que l’on doit la pluralité des regards exposés. « Pour moi, la photo de rue, c’est simplement l’impulsion de vouloir représenter photographiquement l’expérience urbaine. C’est en adoptant une définition large que l’on réussit à élargir le champ de l’histoire de la photographie. »
C’est ainsi que des œuvres qui ne font pas partie de la collection du Musée, dont les images de Stephanie Colvey, cofondatrice du centre d’artistes Dazibao, ou encore celles des féministes Marik Boudreau et Suzanne Girard, qui ont notamment immortalisé le Quartier chinois de Montréal à la fin des années 1970, se retrouvent dans l’exposition. « Le point de départ, c’est ce que contient la collection du Musée, explique la conservatrice. On y retrouve une diversité de voix. Malgré tout, il fallait combler quelques vides. »
Le centre-ville, lieu de fourmillement urbain, était largement prisé des photographes dans les années 1970-1990. Mais si l’exposition ne couvre pas l’ensemble des quartiers de Montréal, certaines des photographies nous transportent néanmoins au-delà des frontières du centre-ville. Ainsi, la série de photographies des enfants du quartier ouvrier du Centre-Sud, réalisée par Normand Rajotte à la fin des années 1970, allait révéler les réalités quotidiennes de ces jeunes membres de la société et documenter les derniers vestiges d’une époque où les mineurs pouvaient courir les rues de la ville sans la supervision des parents.
Ajouter des voix au chapitre, une photographie à la fois
C’est aussi par la participation des moins entendus de la société que l’histoire se dessine. Et ça, le Musée en est conscient. De là est né une série d’ateliers sur la photographie de rue, mise sur pied en collaboration avec le Groupe communautaire L’Itinéraire.
Ainsi, six camelots enthousiastes ont arpenté les trottoirs de la métropole, appareil photo à la main, après avoir reçu les précieux conseils du photographe et professeur à la retraite Bertrand Carrière. Invité par le Musée à diriger ces ateliers, l’amoureux de la photo de rue retient de cette rencontre « l’humour et la sensibilité de ces gens dont la vision artistique est vierge et honnête ». Ces personnes posent un regard authentique sur la rue, pour l’avoir vécue la plupart du temps à travers l’itinérance.
Dans les mots des photographes
« Ça fait quelques années que je fais du photojournalisme pour L’Itinéraire. Qu’on se le dise, le photojournalisme est sans conteste le plus beau métier du monde! Partir à l’aventure sans savoir ce qui nous attend… Bref, revenons à nos moutons! L’une de mes assignations, en 2024, était de documenter un projet de photos de rue organisé par le Musée McCord en collaboration avec le Groupe L’Itinéraire. Six camelots ont été invités à participer au projet en vue de l’exposition Battre le pavé.
Bien qu’en charge de photographier les ateliers donnés par Bertrand Carrière, j’ai moi-même beaucoup appris, notamment en composition de l’image. Ces ateliers m’ont donné le goût d’arpenter les rues de Montréal à la recherche de magnifiques sujets à capturer.
Les camelots avaient comme mission de sillonner la ville pour faire de belles images. En mode automatique, vous en conviendrez! La photo n’est pas qu’histoire de réglage, elle est une question de regard aussi.
Ils ont fait de superbes photos, Manon en a fait… 800! Mieux vaut trop que pas assez! C’était beau de les voir aller, un appareil entre les mains, d’un petit format, mais très bon! Maxime, un des camelots participants, a fait des photos de nuit. Je salue son courage, car l’exercice est technique et complexe. Patrick, un autre membre du groupe, était émerveillé, tel un enfant devant un gros gâteau au chocolat!
Pour ma part, j’ai été honoré de pouvoir contribuer à ce projet; c’est quand même incroyable d’être camelot et d’être exposé dans un musée de renom! »
– Gabriel Lavoie, photographe pour L’Itinéraire
« J’avais un intérêt pour la photographie et la vidéo, donc c’est pour ça que je m’étais inscrit à l’activité photo du McCord. L’expérience a été au-delà de mes espérances, j’ai appris plein de choses, ça m’a donné le goût de continuer, de me perfectionner et d’aller plus loin. »
– Patrick Plamondon, camelot au métro Pie-IX
« En photo de rue, une simple flaque d’eau peut devenir une belle photo. »
– Agathe Melançon, camelot au métro Lionel-Groulx
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