L’érable et le temps des sucres - Musée McCord
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Moule à sucre d’érable, Léo Goulette, 1920. M967.61.1-2, Musée McCord

L’érable et le temps des sucres

Les archives du Musée contiennent une foule de recettes. On s’intéresse aujourd’hui au sirop d’érable et à quelques recettes qui le célèbrent!

Catherine Ferland, historienne

14 mars 2022

Authentique produit du terroir québécois, le sirop d’érable est un incontournable de nos tables en toute saison. Mais c’est encore au printemps que l’on associe la récolte de l’eau d’érable, le processus d’ébullition et, bien sûr, la traditionnelle « partie de sucre » à la cabane, en famille ou entre amis! Pour voir à quel point l’érable a intégré notre répertoire culinaire, je me suis plongée dans les livrets de recettes de la collection Recettes et alimentation du Musée : ce que j’ai découvert, je vous assure, met décidément l’eau à la bouche!

Photographe inconnu, Entaille d’un érable, vers 1930. Don de Stanley G. Triggs, MP-0000.25.467, Musée McCord

Les Premières Nations connaissaient et récoltaient l’eau d’érable bien avant l’arrivée des colons européens. La première pleine lune du printemps était joliment appelée « lune de sucre », car elle marquait le mois pendant lequel on recueillait le précieux liquide. À l’époque, on l’utilise de diverses manières, par exemple pour confectionner une sorte de bannique sucrée ou pour aromatiser des ragoûts. On le fait aussi réduire et concentrer par évaporation. C’est à la suite du contact avec les Français que l’on commence à faire bouillir plus longuement l’eau d’érable dans des chaudrons métalliques. Cette évaporation plus soutenue permet d’obtenir, eh oui, du sirop et du sucre.

Situées à proximité des maisons familiales, les cabanes à sucre rudimentaires des 17e et 18e siècles permettent aux gens de constituer leurs propres réserves de petites douceurs. Le sucre est conservé en « pain » dont on casse des morceaux à mesure. Non seulement considère-t-on le sucre d’érable comme excellent au goût, mais on lui prête aussi d’intéressantes propriétés médicinales. Ainsi, dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1751-1772), il est écrit que « l’on en vante l’usage pour les rhumes & pour les maladies de la poitrine ». Une autre bonne raison de s’accorder ce petit plaisir!

Le sucre d’érable a donné lieu à une forme d’art populaire inattendue : les moules à sucre. Si les pains de sucre ont longtemps été façonnés en simples blocs, on commence à leur donner une forme plus recherchée au tournant du 20e siècle, grâce à des moules en bois – jolis et pratiques.

Moule à sucre d’érable, Léo Goulette, 1920. M967.61.1-2, Musée McCord

Comment se passent alors la récolte et la production du sirop? Le colon transporte la sève recueillie dans des seaux ou des baquets, à dos d’homme. Jusqu’en 1850 et même plus tard, on fait bouillir l’eau d’érable dans un grand chaudron suspendu à une étemperche, sorte de crémaillère faite de branches solides.

Alexander Henderson, Partie de sucre avec dégustation de tire d’érable, Cantons de l’Est, vers 1870. Don d’E. Dorothy Benson, MP-1968.31.1.171, Musée McCord

C’est à cette époque que l’acériculture se modernise : chalumeaux et « goudrelles » d’acier – petite lame que l’on insère dans l’entaille de l’érable – bouilloires de tôle et évaporateurs à fond plat permettent d’augmenter la quantité et la qualité du sirop d’érable.

Les produits de l’érable sont vendus dans les marchés publics, où on peut se procurer des pains de sucre, du sirop et de petits cornets. Les citadins nostalgiques de la vie à la campagne peuvent aussi se rendre dans les érablières afin de participer à des « parties de sucre » : on y mange, chante, danse et on s’y sucre le bec avec un (ou plusieurs) bâton de tire sur la neige!

Photographe inconnu, Partie de sucre, près de Sorel (?), vers 1890. Don de la succession de Helen Renouf, MP-1990.26.1.76, Musée McCord

Même s’il demeure un produit fortement lié au retour du printemps, le sirop d’érable fait partie intégrante du patrimoine culinaire d’ici. On le sert tel quel, on l’incorpore à différents plats… Justement, en explorant les nombreuses recettes conservées par le Musée, je suis tombée sur des descriptions franchement alléchantes et parfois un brin étonnantes. Ainsi, ce frappé à l’érable m’apparaît une excellente manière de déguster cette douceur durant les saisons plus chaudes, puisque la préparation est destinée à être consommée glacée.

Pour ma part, j’ai bien envie d’essayer cette sauce au beurre à l’érable et aux épices pour surprendre mes invités lors d’un prochain souper!

Les produits de l’érable figurent parmi les denrées d’exportation québécoises les plus importantes en ce début de 21e siècle. Le Québec peut se vanter d’être le plus gros producteur mondial de sirop d’érable, rien de moins! Le beurre, le sucre, les sucettes à base d’érable ont aussi leurs adeptes. Sans compter l’abondance d’alcools québécois rehaussés de notre sucre local : vins, boissons crémeuses, gins, brandys, vodkas ou whiskys aromatisés à l’érable sont devenus les vedettes de bien des tables tout au long de l’année!

À propos de l'auteure

Catherine Ferland, historienne

Catherine Ferland, historienne

Détentrice d’un doctorat en histoire et spécialiste du patrimoine gastronomique du Québec, Catherine Ferland s’ingénie à communiquer sa passion pour le passé auprès de divers auditoires, tant à la radio qu’à la télé. Elle a écrit plusieurs livres (dont l’un a obtenu une distinction au Gourmand World Cookbook Awards) et plus d’une centaine d’articles pour divers médias locaux et nationaux.
Détentrice d’un doctorat en histoire et spécialiste du patrimoine gastronomique du Québec, Catherine Ferland s’ingénie à communiquer sa passion pour le passé auprès de divers auditoires, tant à la radio qu’à la télé. Elle a écrit plusieurs livres (dont l’un a obtenu une distinction au Gourmand World Cookbook Awards) et plus d’une centaine d’articles pour divers médias locaux et nationaux.